Présentation

L'Association Française de Cliométrie

 

Fondée en 2001, l'Association Française de Cliométrie (AFC) a pour objet d'encourager, en France et à l'étranger, les travaux d'inspiration cliométrique, c'est-à-dire les recherches internationales d'histoire quantitative structurées par la théorie économique et informées par les méthodes statistiques et économétriques.

En bons poppériens, nous pensons que faire œuvre de science ce n'est pas produire un résultat vrai, mais c'est se soumettre à la critique rationnelle, c'est-à-dire accepter la mise à l'épreuve de la théorie par les faits et être à l'éventualité de la réfutation. Une science est objective, non parce que le chercheur serait dénué de sensibilité ou d'idée politique et à l'abri des interférences de son travail avec les jugements de valeur (encore qu'il ait à s'en défaire pour aborder plus clairement les problèmes), mais parce que ses résultats peuvent être soumis à la critique de la communauté de chercheurs de bonne foi.

La Cliométrie : une discipline de synthèse

 

La cliométrie est une discipline encore jeune. Certes, elle a déjà obtenu, grâce aux travaux actifs de chercheurs de tous les pays, des résultats considérables. Nous notons tout particulièrement l'attribution, en 1993, du prix Nobel d'économie à Robert Fogel et Douglass North pour avoir renouvelé la recherche en histoire économique par l'application de la théorie économique et des méthodes quantitatives aux changements économiques et institutionnels. Néanmoins, l'on peut dire sans exagération qu'elle n'a pas résolu ses problèmes scientifiques propres, et même qu'elle n'a pas cherché suffisamment à les résoudre. Celui de ses méthodes en premier lieu, mais aussi celui de son but, celui de son objet, celui de sa nature, celui même de sa définition.

La Cliométrie se rebiffe !

 

La Nouvelle histoire économique (terme proposé par Jonathan Hughes) ou Cliométrie (terme élaboré par Stanley Reiter), littéralement mesure de l'histoire, est d'origine toute récente. Les premiers à s'en réclamer ont été Conrad & Meyer en 1957 et 1958.

La naissance de la cliométrie a marqué une révolution, une rupture totale avec l'histoire économique traditionnelle. Que cela soit vrai ou non, la chose est, aujourd'hui, sans doute de peu d'importance. Un défenseur de la nouvelle école aussi éminent que Robert Fogel perçoit lui-même une évidente continuité entre l'histoire économique ancienne et la nouvelle. Ce qui ne fait aucun doute c'est que, depuis la fin des années 1950, l 'histoire économique accorde une place de plus en plus importante à la théorie. Elle a aussi recours à une analyse statistique et économétrique de plus en plus rigoureuse pour la simple raison qu'un bon nombre des problèmes non résolus de l'histoire économique sont tels que les seuls réponses intellectuellement satisfaisantes sont, par définition, quantitatives.

Gustav Schmoller et les problèmes d'aujourd'hui

 [1]

Le nom de Gustav Schmoller (24 juin 1838/27 juin 1917) [2] force, aujourd'hui encore, le respect et ceci, même si une génération entière d'économistes s'est battue, après la Première Guerre mondiale, pour se détacher de la pensée de ce père fondateur. Les raisons de la rupture sont multiples. Dans les années 1920, il s'agissait de se rattacher aux développements de la théorie économique naissante à un niveau plus international, mais aussi de fonder les travaux en termes de conjoncture sur des bases plus empiriques et contribuer de la sorte à une meilleure compréhension des phénomènes économiques et notamment de l'inflation. Cette nouvelle génération, qui perce définitivement avec l'achèvement de la Seconde Guerre mondiale, se développe à partir de 1918. Avec elle, l'économie se décompose progressivement en différentes sous-disciplines et la sociologie prend son autonomie progressive. En même temps, l'approche pluridisciplinaire de Schmoller vole en éclat et la marche triomphale de la recherche disciplinaire et sans compromis prend son envol pour devenir cette science sociale émiettée que nous connaissons aujourd'hui.

Quelle place pour les recherches empiriques en économie ?

L'apport de la cliométrie

 

Depuis toujours, un débat intense a eu lieu sur le type de lois que la science économique peut dégager – et implicitement sur le modèle de sciences auquel on fait référence. Pour d'aucuns l'économie serait une science nomologique (productrice de lois) au même titre que la physique. Derrière le maquis du changement institutionnel, historique, derrière la vie économique et sociale apparemment foisonnante, on pourrait trouver par une démarche « platonicienne » (la déduction à partir d'axiomes de rationalité individuelle) des lois simples reliant des variables économiques, à valeur (et pesanteur) universelle (et invariante au cours du temps). Ces lois peuvent être déduites d'un corps d'axiome (l'économie serait une discipline axiomatique comme les mathématiques… mais produit-elle alors des lois comme en physique ?), et pourraient être testées une fois le contexte contrôlé, via le recours à la mesure (le quantitatif, via l'économétrie). Ces lois seraient a-historiques. D'autres économistes (pensons à Marx par exemple), considèrent eux aussi qu'il y a des lois en économie, mais que celles-ci sont valables à cadre institutionnel donné (par exemple le capitalisme). L'étude du changement institutionnel devient alors une question-clé pour l'économiste, qui se fait aussi producteur de lois ayant trait au changement institutionnel (bref, une théorie de l'histoire, qui passerait de philosophie de l'histoire à une « science de l'histoire »). L'étude de l'histoire jouerait un rôle important dans la détermination de ces lois du changement institutionnel. L'école historique allemande, qui n'est pas intégralement a-théorique, peut en partie être vue comme participant de cette vision. Le Methodenstreit à la fin du 19ième siècle a consacré la défaite de ce courant de pensée et le triomphe de la vision néo-classique (celle qui croit en des lois à valeur universelles et indépendantes du contexte institutionnel). L'histoire économique traditionnelle, hors champ de la science économique, a poursuivi le travail « inductif » et l'analyse institutionnelle, sans trop d'ambitions théoriques (même si les travaux de la Nouvelle Histoire avec Braudel dépassaient le simple désir de description).

Migration Joomla effectuée par HOB France Services